V – Les jeux de société déforment la réalité et constituent ainsi une échappatoire

Malgré leurs similitudes avec le monde réel, les jeux de société sont principalement vus par la société comme des divertissements, des échappatoires, des façons de fuir la réalité … tout en la détournant, ou en en représentant l’aspect le plus plaisant.

Nous vous proposons donc avant toute argumentation, de visionner l’interview de Jean Hayet, champion international de bridge, dans le cadre d’une étude de cas sur le jeu en question:

Interview de M. Hayet-TPE – Lycée Lyautey – 1ère S05 – 2011/2012

Les jeux de société traitent d’un seul aspect de la vie. Ce dernier est en général le plus plaisant et intéressant pour le(s) créateur(s) du jeu, dans lequel il sera fait abstraction des aspects inutiles ou freinant le déroulement d’une partie. Ainsi, la ‘vie’ du joueur dans le jeu de société est simplifiée au maximum de façon à ce qu’il puisse se concentrer, dans cette simulation, sur son objectif. De ce fait, il peut avancer relativement rapidement dans la partie, et gagner, alors que dans la vie réelle, la réussite est un long chemin laborieux qui requiert patience et expérience. Les jeux, de par leur différence avec la vie réelle, permettent donc à l’individu de s’épanouir sans le moindre souci extérieur. Son but est celui imposé par le jeu et il ne comportera qu’une seule et unique tâche, qu’elle soit de nature économique, militaire, ou autre, il ne lui sera pas demandé de répondre d’autres responsabilités. Un aspect de la vie réelle volontairement laissé de côté dans les jeux de société.

Par ailleurs, lors d’une partie, un enfant peut s’identifier à un adulte, se familiariser avec des pratiques qui, dans la réalité, seraient hors de sa portée. L’enfant et l’adulte sont donc mis au même rang. Par exemple, un enfant se retrouve en situation de guerre en jouant aux échecs, il peut être confronté à un adulte, et disposer des mêmes armes (matérielles) que ce dernier. Qui plus est, il doit faire face à un conflit auquel il n’est en rien préparé et devant lequel il doit réagir stratégiquement et avec assiduité, ce sont des qualités rarement maîtrisées par les enfants.

En outre, nous pouvons remarquer qu’un véritable isolement du monde réel a lieu lorsqu’un joueur de poker ou de tout autre jeu d’argent est enfermé dans un casino. Le joueur est alors plongé dans sa partie, absorbé par le besoin de jouer continuellement à ce jeu « de société ». L’environnement qu’incarne un casino, sans horloge, ni fenêtre, pour ne donner aucune indication à ses « clients » sur le temps qui passe, retire au joueur toute notion du temps, ce qui le pousse à continuer à jouer indéfiniment. Nous proposons donc ci-dessous une illustration par l’étude jeu en question :

POKER

Bien que le Poker soit basé sur les mathématiques, comme prouvé, et sur la logique, il n’en est pas moins que la notion de divertissement, et les montants exagérés qui y sont joués donnent à ce jeu une dimension d’irréel, d’échappatoire à la réalité, parfois dure, de la vie.

Ce jeu est tout d’abord un jeu de cartes très médiatisé, ce qui est rare, sans aucun doute le plus médiatisé au monde. Nombreux sont les sites internet incitant les joueurs potentiels à s’essayer à la pratique du jeu. Son expansion est d’autant plus rapide que les règles, relativement simples, sont facilement comprises de tous.

Par ailleurs, la notion d’échappatoire peut s’avérer être malsaine. En effet, dès le début d’une partie, tous les problèmes personnels des joueurs, familiaux, professionnels ou autres, sont estompés par l’excitation du jeu. L’addiction est ensuite très rapide, les « joueurs », devenus eux-mêmes « jouets » du jeu, se mettent à miser les travaux de toute une vie. Ainsi, ce sont des économies ou même des maisons toutes entières qui sont jouées. Les problèmes rencontrés par les adeptes sont bien évidemment l’accumulation de dettes insurmontables, pouvant entrainer l’incarcération, voire le règlement de compte, violent, si le milieu fréquenté est frauduleux. Les joueurs sont alors dans certains cas poussés à commettre des actes dont ils seraient incapables en temps normal. Comme le montre ce témoignage.

« Thornburg rappelle la récente condamnation d’un étudiant de l’université de Lehigh, située au nord de Philadelphie, après qu’il ait dévalisé une banque pour pouvoir payer ses dettes contractée aux jeux online. L’article cite également les études de quelques organismes importantes. Selon l’article, la récente convention du “National Council of Problem Gaming” (“Conseil national sur les problèmes liés aux jeux d’argent”) s’est longuement focalisée sur la problématique des jeunes personnes face aux jeux d’argent. Jeffrey Deverensky, co-directeur de la “Youth Gambling Research Clinic” à l’université canadienne McGill (Québec, Montréal) est intervenu lors de cette convention. Il a présenté les nombreux problèmes découlant du poker et comment la publicité sur les jeux, omniprésente sur certaines chaînes américaines câblées visant la jeunesse, cherche à attirer ces jeunes gens. »

D’autre part, les RPG (jeux vidéo de rôle), de même que les MMORPG (jeux de rôle en ligne massivement multi-joueurs), illustrent également nos propos. En effet, les joueurs peuvent incarner des personnages et rencontrer d’autres joueurs à travers leurs personnages fictifs, véritables identités virtuelles, dites « avatars ». Les jeux de rôles mettent le plus souvent en scène des personnages fantastiques : fées, magiciens, trolls, ou encore lutins sont présents dans ce genre de jeux, dont les plus connus sont Dofus et World Of Warcraft. Les personnages possèdent des pouvoirs magiques, avec lesquels ils peuvent agir sur leurs adversaires. Ainsi, le joueur se crée une vie factice dans laquelle il atteint ce qui lui est d’ordinaire totalement inaccessible. Le plus souvent, ces jeux ont des effets considérables sur les adolescents introvertis ou mal dans leur peau, qui trouvent sur internet le moyen de s’en libérer, et y trouvent d’excellentes échappatoires. Ils peuvent alors commencer une sorte de vie parallèle. Cependant, tous comme les joueurs de RPG, les joueurs de poker tentent d’échapper aux problèmes qu’ils rencontrent dans la vie réelle, avec l’espoir vain de gagner un jour une fortune, et sombrent inconsciemment dans l’addiction au jeu.

Enfin, le plaisir que procurent les jeux de rôle à leurs joueurs entraine souvent des addictions. C’est pourquoi ces jeux représentent une partie à part entière de la vie du joueur puisqu’elle est littéralement mise en parallèle avec sa vie réelle. Il possède alors une vie virtuelle dépendant de son ordinateur, et donc en perpétuelle évolution.

Celle-ci continue en effet même lorsque le joueur quitte la partie, et ce à travers ses coéquipiers et adversaires, car les jeux de rôles virtuels impliquent une seule et même partie continue, infinie. Alors, par crainte que les autres joueurs ne le devancent, le joueur cherchera par tous les moyens à rester « connecté ». Il perd peut à peu les autres plaisirs, et ne désire plus qu’une chose : se connecter, pour pouvoir jouer, et faire progresser son personnage ; ce qui est étrangement similaire aux actions d’une vie réelle : se lever, vivre, dans le but d’avancer et de gravir les échelons socioéconomiques, le reste du temps étant consacré au sommeil. On pourrait donc en conclure, que pour ces joueurs adeptes des RPG, ou même pour le joueur régulier de poker, le temps passé à faire toute autre activité que la pratique de leur jeu favori, a le rôle relatif d’une nuit de sommeil, durant laquelle ils sont inactifs.

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