IV – Les jeux de société sont basés sur les mathématiques, tout comme les sociétés

I – Rapport des échecs aux mathématiques

Le point commun le plus évident entre les échecs et les mathématiques est bien entendu la notion de problème. En effet, les mathématiciens arrivent parfois à se poser des problèmes d’échecs. Ainsi, la rencontre entre arithméticiens et joueurs d’échecs induit une série de problèmes mathématiques, directement liés au jeu en lui même.

Par exemple, la « rosace du cavalier » est un des sujets. De fait, le grand mathématicien du XVIIIème siècle Léonard Euler, explique que le cavalier doit passer par toutes les cases de l’échiquier, en ne visitant chacune d’elles une seule et unique fois. Cinquante ans plus tôt, un autre grand nom : Varnsdorf avait proposé une règle très simple. Selon lui, le cavalier part de n’importe quelle case, mais doit à chaque coup se placer sur une case qui le rapproche le plus rapidement des cases qu’il n’a pas parcourues. Ainsi, la notion de vecteur intervient dans cette théorie, car les coordonnées propres à chaque mouvement sont connues, grâce au tracé de l’échiquier. La translation et ses translations sont également mises en valeur dans cette problématique.

Il existe également un tout autre sujet alliant aussi bien mathématique qu’échecs. Celui-ci est dit « problème des huit Tours », et il se présente sous la problématique suivante : Comment peut-on disposer huit tours sur un échiquier de sorte à ce qu’en aucun endroit elles ne se menacent l’une l’autre ? En d’autres termes, toute ligne droite de l’échiquier, verticale ou horizontale, doit au maximum contenir une seule tour. Ainsi ce problème relève à la fois du dénombrement et des échecs, et un raisonnement établi permet de conduire à la solution : Tout d’abord, les huit tours devant être disposées sur huit colonnes, chaque colonne ne peut comprendre qu’une tour et une seule. Ensuite, la tour occupant toute la rangée verticale d’une case, et son horizontale, elle peut avoir huit possibilités de déplacement. Logiquement, la tour occupant la deuxième colonne n’en aura plus que sept, car elle ne doit pas occuper la rangée contrôlée par la première tour. Enfin la tour occupant la énième colonne, lorsque n est strictement compris entre 0 et 9 a 8-(n-1) soit 9-n possibilités de déplacement.

Le jeu d’échecs est donc un véritable support au raisonnement mathématique.

Ces derniers sont en quelque sorte de la même famille, de proches cousins. Ce qui n’est pas étonnant si l’on rappelle la légende indoue attribuée à la création du jeu : La légende du brahmane Sissa.

Le prince indien dont les biens étaient pharamineux, passait ces journées à s’ennuyer, il demande alors à ses sages de lui inventer quelque chose pour faire cesser ce malencontreux ennui.

Quelques temps plus tard, le brahmane Sissa lui apporte un nouveau jeu, ce seront les échecs. Le prince trouve ce jeu passionnant et y joua des journées entières. Pour remercier Sissa, il lui demanda quelle récompense lui ferait plaisir.

Sissa répondit qu’il voudrait le nombre de grains de blé nécessaire pour remplir l’échiquier de la façon suivante : 1 grain sur la première case, 2 sur la seconde, 4 sur la troisième, 8 sur la quatrième et ainsi de suite en doublant le nombre de grains jusqu’à la 64ième case

Le prince trouva cette demande bien modeste, mais il avait bien mal jugé le vœu de son sujet, car en réalité le nombre de grains à réunir est astronomique et irréalisable ! En effet, le nombre précis est 2^64 – 1 (2 à la puissance 64, c’est-à-dire 2x2x2x2x2…64 fois) ce qui donne précisément : 18 446 744 073 709 551 615. Un nombre de grains de blé impossible à réunir. On peut alors supposer, en se fiant à cette légende, que l’inventeur des échecs, aux vues de sa demande ingénieuse, était un mathématicien avisé.

II – Rapport du poker aux mathématiques

Le chaos, dont la définition exacte diffère selon le contexte, a ses propres lois sur lesquelles les mathématiciens, météorologues ou encore économistes travaillent depuis plus d’une soixantaine d’années. Cependant, bien que le Poker, le plus médiatisé des jeux de cartes actuellement, illustre cette anarchie totale entre joueur expérimenté et amateur, entre des gains pharamineux et des parties amicales, il n’en reste pas moins que ce jeu est structuré. Cette organisation est possible grâce à la grande part que joue le hasard lors d’une partie. En effet, le véritable référentiel du Poker est le hasard et non le chaos. Ainsi, toute la difficulté du jeu réside en la faculté de chacun des participants, tous soumis aux mêmes règles, comptent exploiter celles-ci.

Il n’est nullement nécessaire, de tenter quelconque calcul en cours de donne afin de gagner, loin de là. C’est même inutile. Le principal facteur est la capacité à gérer correctement l’enchaînement de parties au fur et à mesure que l’acquisition des connaissances solides se fait. Ce n’est pas seulement de la théorie, mais les mathématiques sont bel et bien présentes dans le Poker.

Le Poker est un jeu de réaction réfléchie, nécessitant adresse mentale et se basant sur les mathématiques, qui y sont omniprésentes. Ce propos est basé sur trois propositions acceptées de tous les spécialistes sur le jeu :

Tout d’abord le Poker, sans prélèvements est un jeu totalement équitable, dans lequel chacun des joueurs a initialement les mêmes chances de gagner. Qui plus est, l’apprentissage des techniques de gestion du hasard est un investissement nécessaire à la progression dans un tel jeu. En effet, le joueur doit atteindre un niveau de confiance tel que quelles que soient les cartes qui lui sont remises, son rôle sera de faire de son mieux, tant sur le plan logique que psychologique afin de malgré tout gagner la mise. Enfin, les qualités humaines telles que la combativité, le discernement, le jugement ou encore la gestion du stress et de la fatigue y jouent un rôle primordial. La connaissance de soi, de ses propres capacités, ainsi que de son rapport à son adversaire, font, avec la tempérance, la différence entre gagnants et perdants.

« Les mathématiques sont partout »

La lecture de cette phrase peut prêter à penser que seuls les mathématiciens peuvent sortir gagnant de ce genre de parties. Il n’en est rien. Bien que certaines aptitudes mathématiques soient un atout indéniable qui aident le joueur, le meilleur de tous les mathématiciens n’a pas plus de chance qu’un autre de gagner : la résistance à la tension, au stress, et de soi-même reste le facteur le plus important. Cependant, l’alliance de ces atouts ne peut qu’être encore plus bénéfique au joueur.

La probabilité est une manière de mesurer notre ignorance d’un événement, ce qu’autrefois nous remettions entre les mains du hasard. Si la probabilité d’un événement est inconnue, la valeur qui lui est accordée est nulle. Au contraire si celle-ci est sûre, sa valeur sera de 1. Lorsque la probabilité a une valeur comprise entre 0 et 1, plus elle tend vers 1 plus sa réalisation est envisageable, et inversement. Ce système permet, en fractionnant les probabilités, d’éviter l’utilisation superfétatoire d’une unité propre aux probabilités.

La définition du Poker induit les conséquences suivantes, qui sont évidentes tant elles sont logiques :

Chacun des joueurs juge de sa probabilité de gagner en fonction de ses cartes, mais aussien tentant d’estimer celles de ses adversaires. Ainsi, lorsque chacun possède des informations différentes, l’estimation de la probabilité est par conséquent différente, variant en fonction du point de vue. Par exemple, si en heads up (le face à face) l’un a une paire d’As, il estime sa probabilité de gagner à 85% tandis que l’autre, avec une paire de rois, estimera que sa probabilité de gagner est de 82% ; Soit un total de 167%. Du point de vue extérieur, nous savons que les probabilités sont de 80/20, ce qui fait bien un total de 100%.

Notons également que toute nouvelle information modifie considérablement l’estimation de la probabilité : un joueur doit ainsi recommencer son calcul si la dernière carte dans le « flop » minimise ses chances de gagner.

La notion de probabilité s’applique toujours à des événements futurs, et celle-ci n’a de sens que si la situation peut être répétée. Une loi, dite « Des grands nombres », nous indique que plus la situation se répète, plus la fréquence d’apparition d’un événement se rapproche de sa probabilité. Prenons l’exemple d’une pièce lors du jeu « Pile ou face » : plus l’expérience sera répétée, plus le résultat sera proche de 50% pour chacune des deux issues. Au poker, les situations se répètent, ce qui maximise l’espérance mathématique. On parle alors de gain à long terme.

En outre si vous pariez par exemple sur un jet de dé que vous obtiendrez le chiffre 3, la probabilité de gagner avant le jet du dé est de 1/6. Puis, bien que l’événement ait eu lieu, la probabilité sera de 1/6 quand même.

Cependant, comme un bon nombre de personnes le croit, la probabilité d’avoir telle ou telle carte au tableau ne dépend pas du nombre d’adversaires. En effet, selon le cas, il resterait plus ou moins de cartes au talon. Seul le nombre de cartes que vous ne connaissez pas nous intéresse. Que les cartes inconnues aient déjà été distribuées ou non aux autres joueurs n’influe pas sur la probabilité.

Encore faut-il distinguer deux types de probabilités :

Certaines sont parfaitement objectives, et sont le fruit du seul hasard des cartes. Ce qui sera illustré par le tableau de la vidéo ci-dessous. D’autres, en revanche, se basent sur l’analyse préalable de la psychologie du joueur, et de son intention, par exemple, d’intenter une action plutôt qu’une autre.

Enfin, il est important de rappeler la définition d’une côte, au sens mathématique du terme : C’est une estimation de chance de victoire opposant directement les éléments favorables aux évènements défavorables. Une côte de 3 contre 1 se note 3 :1, le premier chiffre représentant les cas favorables, le second les défavorables. Le total est ainsi l’addition des deux chiffres. Les côtes sont principalement utilisées par les parieurs et les bookmakers vu la facilité de leur exploitation en situation réelle (comme au football par exemple). Les côtes du pot, au poker, représentent, quant à elles, ce que chaque joueur doit investir dans le pot par rapport à ce qu’il peut gagner. En outre, les côtes de remporter le pot renvoient aux chances d’avoir une des cartes permettant au joueur de battre son adversaire, lorsque ce dernier a une meilleure « main » que lui. Ces cartes sont alors appelées des « outs ». Enfin, il existe des côtes implicites : elles sont l’estimation de l’argent qu’investira chaque joueur au tour suivant.

III – Rapport du jeu de go aux mathématiques

Il s’agit d’un jeu de stratégie pour deux joueurs. Il se joue avec des pierres blanches et d’autres noires, chaque couleur appartenant à un joueur, sur un damier de 19 lignes et 19 colonnes appelé le goban. L’objectif est de construire le plus grand territoire possible, de dominer plus d’intersections que son adversaire en connectant ses propres pierres et en capturant les pierres adverses.

En 1991, le mathématicien E.Berlekamp, applique « la théorie des jeux sommables et indépendants » à une des sous-parties composant le jeux de GO, une des dernières. Il parvient à démontrer que grâce à cette théorie, applicable uniquement sur des séquences de jeux, que l’issue de la partie peut être déterminée. Les mathématiques appliquées prouvent donc que quelques soient les parties étudiées, mêmes si elles sont différentes, leurs issues et résolutions ne s’appliquent qu’à des sous problèmes définis et limités mathématiquement. Cependant ce ne sont que des sous-parties du jeu de GO dont il est question, et en aucun cas du jeu dans son ensemble.

L’être humain s’est habitué à faire face aux situations rencontrées dans le monde réel. Pendant des dizaines de milliers d’années, il y a acquis des capacités de perception, de décision, d’adaptation et de communication (grâce au langage), pour y survivre, et mieux y vivre. Le joueur de Go (qui a la chance d’être un humain!) profite de la richesse de ses capacités et les applique dans les parties de Go, pourtant bien piètres simplifications du monde réel.

Le jeu de Go offre initialement 361 coups possibles au joueur, sa surface étant constituée de 19 colonnes et d’autant de lignes, ce qui, en comparaison avec les échecs (qui en offrent 20) et considérable. Aussi, il est possible de développer un arbre de probabilité plus ou moins complet. Seulement cet exercice est bien plus compliqué que lorsqu’on l’applique aux échecs. Quand les méthodes exactes n’aident pas à déterminer la stratégie optimale, il faut utiliser des méthodes approchées. Celles-ci se divisent en deux genres :

Il existe en premier lieu une méthode approchée dite classique, applicable également aux dames et aux échecs. On développe un arbre de probabilité non approfondi, sur lequel figurent seulement un nombre limité d’actions. Les feuilles de l’arbre sont alors inefficaces car elles ne représentent plus le nombre d’issues de la partie et ne déterminent plus le gagnant. Cette méthode est efficace pour échecs et dames, mais pas pour le jeu de Go, les programmes de ce jeu basés sur cette méthode sont très faibles et peuvent être battus par de simples débutants car aux échecs : mesurer la force des deux armées en présence en comptant le nombre de pièces est simple, alors qu’il est très difficile d’estimer les territoires dans une position de Go.

La méthode utilisée pour le jeu étudié est en l’occurrence la méthode de Monte Carlo. Celle-ci permet quant à elle d’explorer les branches de l’arbre jusqu’à obtenir une position terminale.

Comme le nombre de parties possibles est trop élevé, cette approche ne peut pas explorer toutes les possibilités : il faut donc choisir un sous-ensemble des parties possibles. C’est ce qui est schématisé dans la figure suivante :

Enfin, deux questions se posent ensuite :

* Comment choisir celles qu’on explore parmi toutes les possibilités ?

* Comment choisir le meilleur coup ?

Beaucoup de différents algorithmes ont été proposés ces dernières années pour répondre à ces deux questions. Cependant bien que cela reste un domaine de recherche très actif, il reste des idées importantes à découvrir.

On peut néanmoins observer une progression impressionnante des programmations Monte Carlo : victoire contre des pros :

* mars 2008 : MoGo bat Catalin Taranu (pro. 5 dans) sur le petit plateau (9×9).

* août 2008 : MoGo bat Kim Myungwan (pro. 9 dans) à 9 pierres de handicap.

* septembre 2008 : Crazy Stone bat Kaori Aoba (pro. 4 dans) à 8 pierres de handicap.

* décembre 2008 : Crazy Stone bat Kaori Aoba (pro. 4 dans) à 7 pierres de handicap.

* février 2009 : MoGo bat Li-Chen Chien (pro 1 dan) à 6 pierres de handicap.

IV – Rapport du scrabble aux mathématiques

Tout d’abord, il est intéressant de se pencher sur le calcul du score apporté par un coup lors d’une partie de Scrabble. Celui-ci est calculé par l’addition des points apportés par toutes les lettres sur une case régulière, de plus, on y ajoute le résultat des multiplications imposées lorsqu’une lettre se trouve sur une des « cases chères » par le coefficient qui leur est propre. Par exemple, 61 des 225 cases ont une valeur multiplicatrice, les cases « lettre compte double » et « lettre compte triple » multiplient la valeur de la lettre posée sur la case par 2 ou 3. Aussi, si cette lettre fait partie de deux mots formés simultanément, sa valeur est multipliée par 4 ou 6.

Par exemple, au premier coup les « scrabbles » les plus chers sont WHISKEY et WHISKYS. En effet, chacun de ces mots rapporte 144 points si l’on place le W, le K ou le Y sur une case « double ». Aussi, le « scrabble » le plus cher de 8 lettres est WHISKEYS s’il est placé sur deux cases « triples » et si le K est sur une « double ». Qui plus est, il peut rapporter jusqu’à 482 points lorsqu’il est nonuple (multiplié par 3 à deux reprises, soit neuf fois en tout). Il est également possible de placer un « scrabble » de 15 lettres lorsqu’on s’appuie sur 8 lettres déjà sur la grille. Si les lettres placées couvrent 3 fois les cases « triples », le total arrive alors à 27.

Ainsi, le mot le plus cher du jeu est possible avec le mot ‘déshypothéquiez’, lorsque la grille est déjà garnie. En contrepartie, le score minimum d’un « scrabble » est de 56 points qui s’obtient par deux jokers et cinq lettres en plus d’une déjà présente sur le plateau.

V – Rapport du backgammon aux mathématiques

La plupart des décisions à prendre lors d’une partie de Backgammon ne sont pas mathématiques. En effet, le caractère aléatoire des lancers de dés est trop compliqué à calculer lors d’une partie. Dans un jeu comme les échecs, on peut anticiper plusieurs coups et prévoir le déroulement du jeu, et en l’occurrence, le calcul précis peut être nécessaire. Seulement, ce n’est pas le cas dans le Backgammon. Il y a 21 combinaisons de jets de dés différentes à chaque tour. Cela rend trop complexe l’estimation des actions, gains et pertes lors d’une partie. Au lieu de cela, les experts s’appuient sur leur expérience et leur intuition pour les amener à la bonne stratégie. Toutefois, il y a certaines situations courantes pour lesquelles un calcul mathématique peut être utile. Les calculs impliqués sont rarement compliqués et nécessitent généralement l’arithmétique simple.

Les jeux de société accordent donc une part importante aux mathématiques, qui en sont à la base, et sans lesquelles ils ne pourraient exister. Cependant, les jeux sont parfois, volontairement ou non, détournés de la réalité. Ainsi, en n’exploitant qu’un aspect du réel, et en le simplifiant au maximum, les jeux de société peuvent devenir une sorte d’échappatoire à celui-ci, une façon de s’en détacher.

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